Prescription quinquennale de l’action en recel successoral

Ce que change l’arrêt du 5 mars 2025 de la Cour de Cassation

Anna JUNOD

5/23/20253 min read

Contexte et faits

En novembre 2012, Mme D. décède, laissant deux fils — Jean et Pierre — pour lui succéder.

Détenteurs chacun d’une procuration sur le compte de leur mère, ils découvrent en mars 2014 des mouvements bancaires suspects imputables à Pierre (onze chèques sans bénéficiaire clairement identifié). En septembre 2014, la maison successorale est vendue et Jean fait consigner une partie du prix.

Après le décès de Pierre en février 2018, dont l’épouse est légataire universelle, Jean assigne en recel successoral en janvier 2020.

La question de droit posée

Pour les successions ouvertes après le 1ᵉʳ janvier 2007, l’héritier lésé peut se demander :

  • Le délai de prescription applicable à l’action en recel successoral (art. 778 c. civ.) :

       o D’une part, 10 ans (délai de l’option successorale, art. 780 c. civ.) ;

       o D’autre part, 5 ans (délai de droit commun, art. 2224 c. civ.).

L’affrontement portait sur l’application du texte spécial des successions versus la règle générale des actions personnelles.

La solution de la Cour de cassation

Dans son arrêt du 5 mars 2025, la 1ʳᵉ chambre civile statue :

« À défaut de texte spécial, l’action en sanction du recel successoral prévue à l’art. 778 c. civ., qui présente le caractère d’une action personnelle, est soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l’art. 2224 du même code. »

Dès lors, la cour d’appel de Grenoble a correctement constaté la prescription de l’action engagée en janvier 2020, au titre des faits découverts le 4 mars 2014.

Arguments pour et contre les délais de prescription

En faveur du délai décennal

  • Cohérence avec l’option successorale : l’action en recel ne peut être intentée que par un héritier acceptant, lequel dispose de 10 ans pour exercer son option (art. 780 c. civ.).

  • Sécurité juridique : permettrait à un héritier d’attendre la fin du délai d’option avant de décider d’agir en recel.

En faveur du délai quinquennal

  • Ouverture aux créanciers : l’action en recel est aussi ouverte aux créanciers de la succession, qui n’ont pas d’option successorale ; appliquer 10 ans leur serait inapproprié.

  • Point de départ distinct : la prescription de l’action en recel court à compter de la découverte de la dissimulation (et non du décès).

  • Uniformité avec le recel de communauté : délai analogue de 5 ans pour le recel entre époux.

Enjeux pratiques pour l’héritier lésé

  1. Anticiper la prescription :

    o Dès la découverte de la dissimulation, notez la date précise (par exemple, relevé bancaire du 4 mars 2014).

    o L’action doit être engagée au plus tard cinq ans après cette découverte.

  2. Agir avant le partage amiable :

    o Le recel et le rapport ne peuvent être demandés qu’à l’occasion d’un partage judiciaire.

    o Si partage amiable déjà réalisé, seule une action en nullité ou partage complémentaire reste ouverte.

      3. Recours alternatifs :

         o Action en complément de part pour obtenir la remise des biens dissimulés.                                                       o Nullité du partage si la dissimulation impacte l’égalité du partage.

Conseils pour agir dans les délais

  •  Vérifier immédiatement toute anomalie dans les comptes ou les titres successoraux.

  •  Consigner les preuves (relevés bancaires, correspondances notariales).

  •  Saisir un notaire ou un avocat pour diligenter un partage judiciaire si nécessaire.

  •  Documenter rigoureusement la date de découverte, pivot de la prescription quinquennale.